Par la suite, Kazehiko ne rata aucun
concert de cet ange pour lui descendu, allant la voir en sortie de
loge à chaque fois. Un soir, il put même dîner avec elle – et
les autres musiciens, mais au moins il était avec elle. Puis elle
vint lui commander une flûte grave, en fa. Une telle commande
spéciale était une consécration pour lui, et son patron le
félicita d'avoir mérité une telle confiance d'une musicienne de
talent. Mais pour lui, c'était surtout l'assurance de la voir à
nouveau. Et surtout, elle avait l'air heureuse de le voir.
Malheureusement, la santé de Kazehiko
ne laissa que peu de temps à son rêve. Peu de temps après avoir
remis sa nouvelle flûte à la jeune femme, au comble de la félicité,
il dut être hospitalisé. Avait-il trop demandé à ce corps chétif,
avait-il usé prématurément un organisme qui eût demandé plus de
ménagement ?
Sur son lit d'hôpital, il se sentait
maintenant comme un nuage s'effilochant dans le vent, appelé à se
dissiper sans retour. L'infirmière avait laissé la fenêtre ouverte
pour qu'il profitât un peu de la douceur du soir.
Alors il entendit les notes. Éthérées,
filtrant d'une salle quelque part, il sût immédiatement qu'elles
venaient d'elle. Son souffle, son cœur, son esprit se mirent à
l'unisson de cette musique. Il se sentait lui-même si diffus, qu'il
finit par avoir l'impression de se fondre dans cet air, de vibrer
comme si la vie lui revenait par la grâce du chaud souffle de ces
lèvres.
Les bras du jeune homme pâle avaient
essayé d'embrasser l'air avant de retomber. Ses yeux étaient fermés
comme pour savourer un rêve. Ses lèvres fines s'étaient figées
sur un léger sourire.
La plaque sur son lit disait qu'il
s'appelait Kazuhiko, et c'était sans doute vrai.... Ce qui était
tout aussi sûr, c'est que Kazehiko n'était plus là.
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