Kazehiko donnait aussi des cours de
flûte au temple. Les mères louaient sa patience, et la forte
impression qu'il faisait à leur rejetons. Il n'avait pourtant aucune
autorité, aucun moyen d'imposer de discipline – mais tout cela
devenait vite secondaire, car quand sa flûte chantait, les enfants
fascinés le suivaient joyeusement dans sa cocagne.
Ayant rencontré un facteur de flûtes,
il s'était intéressé à leur fabrication, au point de s'y
instruire, puis de devenir assistant. Les jours passèrent, pleins de
ces hauts et de ces bas qui faisaient la vie d'un artisan – un
problème avec la laque, des bambous mal séchés qui s'étaient
fendus, la visite d'un flûtiste de renom venu chercher sa nouvelle
flûte, et les félicitant chaudement pour la qualité de leur
travail. Petit à petit, Kazehiko était reconnu, salué, même
consulté.
Et puis, il alla en concert écouter
une flûtiste dont il avait fabriqué la flûte. C’était la
première fois que cela lui arrivait – les essais dans la boutique,
ce n'était pas la même chose que cette scène éclairée, sacrifiée
au public. S'identifiant au frêle instrument, il se demandait s'il
serait à la hauteur. Puis elle entra dans la lumière et il oublia
tout.
Il avait trouvé ce qu'il ne savait pas
qu'il cherchait.
Se présentant comme le facteur de la
flûte, et reconnu par un des organisateur, il alla la voir après le
concert, sans même en réaliser l'audace, qui l'eût paralysé en
une autre occasion. Quand elle sortit de sa loge, elle le reconnut et
lui sourit. Avant même qu'il eût le temps de la complimenter, elle
le remercia pour la flûte, qu'elle trouvait très agréable à
jouer. Il en rosit, la complimenta en retour sur son jeu, s'inclinant
beaucoup en se frottant la nuque et en riant un peu bêtement.
Il nageait dans le bonheur comme
jamais.
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